23 janvier 2017, Maison Blanche, Donald Trump accompagné d’une horde ministérielle 100 % masculine signe, en présence de dizaines de médias médusés, l’un de ses premiers décrets qui attentera à la vie de millions de femmes dans le monde.
La règle du bâillon mondial ou Global Gag Rule [1] vient alors tout juste de s’imposer dans tous les médias et résonne comme un coup de tonnerre à l’oreille des européens subjugués par la violence de la décision américaine.
Pour rappel, ça n’est pas moins de 215 millions de femmes dans le monde qui n’ont pas accès aux méthodes modernes de contraception alors même qu’elles souhaitent éviter ou reporter une grossesse. 25 millions de femmes recourent quant à elles à un avortement non sécurisé alors même qu’il représente la troisième cause de mortalité maternelle dans le monde et la deuxième cause de décès chez les jeunes filles entre 15 et 19 ans.
C’est dans ce contexte et en dehors de toute considération vis-à-vis des décisions prises par l’administration américaine que la question du rôle à jouer par l’Europe dans la coopération au développement, et plus singulièrement dans la prise en charge du financement des organisations laissées pour compte par l’administration Trump se posera.
Et la réaction fut immédiate. Initié par les pays du Benelux, la Suède et la Finlande ; repris à son compte par l’Europe et par de nombreux pays à travers le monde, le mouvement SheDecides permettra de lever plus de 450 millions de US dollars en un an à peine à destination de l’éducation sexuelle et reproductive dans les pays en voie de développement.
Insuffisant certes pour combler le trou de 600 millions de US dollars laissé par le Global Gag Rule mais suffisant pour démontrer que l’Europe peut constituer un rempart de rang contre les décisions populistes des grands de ce monde.
Trois ans plus tard toutefois, à l’aube de la journée mondiale des droits des femmes, on ne peut rester sans se rappeler cette journée du 23 janvier 2017 ; la réaction européenne mais surtout les mouvements au sein de la société civile qui n’ont cessé de battre depuis lors en faveur d’une plus grande reconnaissance de l’égalité femme/homme à travers le monde.
Les femmes d’Amérique latine font d’ailleurs figures de modèle à cet égard.
On se souvient tous en effet de la marche des femmes du 8 mars 2019 à Santiago (Chili) qui a réuni dans les rues plus de 350.000 femmes en appelant au respect de leurs droits et de leur protection contre toute forme de violence sexiste.
Restent dans nos mémoires également, ces images de millions de femmes défilant dans les rues de Buenos Aires (Argentine) cette journée du 19 février 2018 pour se voir reconnaitre le droit à l’avortement.
« Je me nourris du courage de ces millions de femmes pour mener mon combat en faveur de l’égalité femme/homme au sein de l’hémicycle européen » se confie l’eurodéputé socialiste Marc Angel.
La décision de l’administration Trump aura eu le mérite de remettre au centre du débat la question du genre dans l’aide au développement ainsi que la question du respect des droits humains, en ce compris des droits des femmes au centre des relations entretenues par l’Europe avec les états tiers.
En effet, « l’Europe est non seulement un puissant acteur économique mais est surtout un acteur indispensable de la diplomatie internationale. C’est dans ce contexte qu’il faudra jouer franc jeu à l’avenir si l’on veut contribuer au succès des luttes féministes dans le monde » se plait-il à rappeler en cette journée du 8 mars.
Il sera donc crucial d’intégrer la dimension genrée dans toutes les actions européennes menées à l’international.
« L’Europe doit être en mesure de répondre de manière permanente à la demande apparue à la suite du Global gag Rule. Et c’est à présent que le cadre financier pluriannuel européen est discuté pour la période 2021-2027 qu’il faut intégrer une ligne budgétaire spécifique qui servira à compléter les moyens nécessaires pour garantir des services de santé sexuelle et reproductive dans les pays en voie de développement » confie le député socialiste Marc Angel.
De surcroit, « le respect des droits humains devra être à l’avenir un préalable nécessaire à toute négociation commerciale avec un état tiers sans quoi aucune discussion ne pourra être poursuivie » déclare l’eurodéputé socialiste Marc Angel.
« Nous profiterons en outre des relations interparlementaires avec nos interlocuteurs pour maintenir la pression, et n’hésiterons pas à lever la menace de la suspension des accords en cas de recul du respect des droits fondamentaux par l’un de nos partenaires ! » conclue l’eurodéputé socialiste Marc Angel, membre de la délégation EuroLat[2].
[1] La règle du bâillon mondial conditionne l’accès à la totalité de l’aide au développement américaine consacrée à la santé (9,4 milliards de US dollars dont 600 millions US dollars visent directement les aides relatives à l’éducation sexuelle et reproductive) à l’absence de services ou d’activités de conseil ou de plaidoyer visant à favoriser l’accès à l’avortement médicalisé et sécurisé. De cette manière, ce n’est pas moins de plusieurs centaines d’ONG actives dans le secteur de la santé dans les pays en voie de développement qui se verront privées d’aide financière américaine pour les prochaines années.
[2] Assemblée Parlementaire Euro-Latino-Américaine